Allaitement et alimentation de l’enfant : les difficultés des mères


ostéopathie et bébé / mardi, juin 12th, 2018

20809598234_d4d6ea565e_zL’OMS recommande l’allaitement exclusif pendant les six premiers mois de vie comme mode d’alimentation idéal du nourrisson. L’allaitement est une fabuleuse aventure pour la jeune maman. Certaines femmes peuvent cependant se trouver confrontées à des difficultés et abandonner ces moments de partage qui leur tenaient à cœur.

Selon les chiffres de l’étude Epifane en 2013, en France, le taux de nourrissons allaités à la naissance est de 74%. Il n’est plus que de 40% à 11 semaines, 30% à 4 mois et 18% à 6 mois. Le manque de soutien auprès des mères qui souhaitent allaiter, à la maternité et lors du retour à domicile, la durée des congés maternité ou l’image peu valorisée de la femme qui allaite sont des raisons qui pourraient expliquer la situation particulièrement défavorable de la France

Dans les pays scandinaves, il est d’usage de déclarer « breast is best » autrement dit « le sein est le meilleur ». En Norvège par exemple, le taux d’allaitement plafonne à 99% à la naissance, 95% pour la Finlande et 90% pour la Suède qui enregistre un taux de 65% après 4 mois.

Alors quel est le secret des scandinaves? Sont-elles plus à même d’allaiter ?

Outre une politique de promotion évidente de l’allaitement, l’accompagnement semble plus adapté et encourageant.

Accompagnement par une consultante en lactation

Parmi les facteurs qui dissuadent les françaises de poursuivre leur allaitement viennent en tête la prise de poids du bébé et les douleurs. Nombre d’entre elles déplorent la prise en charge inégale et souvent insuffisante. Sont-elles seules pour autant ?
Depuis plus de trente ans, une spécialité a vu le jour qui offre aux mères l’accès à des professionnels qualifiés. Nous avons décidé de nous intéresser à ces professionnels qui accompagnent et soutiennent les jeunes mères lors de l’allaitement : les consultantes en lactation.

Qu’est ce que consultante en lactation ?

La consultante en lactation IBCLC, profession majoritairement féminine en France, a suivi une formation spécifique à l’allaitement très exigeante, sanctionnée par un diplôme. L’accréditation IBCLC est la seule certification mondialement reconnue. Elle s’obtient pour une durée de 5 ans renouvelable selon certains critères strictement définis par un organisme de certification dédié : l’IBLCE (International Board of Lactation Consultant Examiners).

Par chance, certaines mères en ont rencontrées à la maternité. Nombreux sont néanmoins les parents à encore ignorer l’existence des consultantes en lactation.

Quel est son rôle ?

Elle accompagne les femmes avant et pendant tout l’allaitement. Elle soutient et aide les parents à surmonter les difficultés qu’ils peuvent rencontrer lors de leur projet personnel. Sa parfaite connaissance de la physiopathologie de l’allaitement lui permet d’identifier la cause des difficultés et de proposer des solutions spécifiques à chaque couple mère-bébé. Elle oriente également vers un professionnel lorsque la situation le requiert. Une majorité d’entre elles travaillent dans un réseau qui inclut la sage-femme, le pédiatre, l’ostéopathe ou le médecin ORL pour ne citer que les principaux.

Quand faire appel à une consultante en lactation ?

On peut faire appel à elle pendant la grossesse pour une préparation complète de la mise en place de l’allaitement. Cette consultation est complémentaire à ce que proposent la plupart des sages-femmes dans le cadre des consultations prénatales. On sollicite une consultation en maternité si l’établissement offre ce service ou bien à la sortie.
La consultante en lactation reçoit en cabinet et se déplace aussi couramment. Elle peut alors intervenir dans le post-partum immédiat mais aussi dans les semaines, mois qui suivent .Enfin , les mères font appel à elle pour des questions liées à la séparation, à la reprise du travail, à la diversification alimentaire, ou au sevrage.

Refus du sein, difficulté à trouver une position d’allaitement confortable, douleurs persistantes (mamelons crevassés, engorgement du sein, mastite, vasospasme), insuffisance de production lactée, questions relatives à la prise de poids du bébé, tire-allaitement sont quelques exemples de situations où l’aide d’une experte s’avère précieuse.

Une étude a été conduite dans la maternité d’un hôpital en Italie afin d’évaluer les effets de l’intégration d’une consultante IBCLC en support de l’allaitement (An IBCLC in the Maternity Ward of a Mother and Child Hospital: A Pre- and Post-Intervention Study, Antonella Chiurco, Marcella Montico, Pierpaolo Brovedani, , Lorenzo Monasta, et Riccardo Davanzo Int J Environ Res Public Health. Aout 2015). Ils ont pu observer une augmentation de la satisfaction des mères de leur allaitement ainsi qu’une diminution des crevasses. Le taux d’enfant allaités à deux semaines restait néanmoins diminué. Cette étude révèle que les questions soulevées par une mère allaitante ne se cantonnent pas aux tous premiers jours et qu’il serait sans doute pertinent de mettre en place un accompagnement au retour à domicile.                                                                                  Lorsque l’allaitement devient difficile, douloureux ou tout simplement différent de la projection qu’en faisait la mère, la consultante en lactation est un vrai soutien psychologique. Il est bon de noter par exemple que la future maman dans son 3ème trimestre et la jeune accouchée dans les premières semaines post-partum sont naturellement dans un état pro‐inflammatoire. De récentes études (Recherche Psycho‐neuro‐immunologie ; dépression inflammation et allaitement : Amir, 1996 Kendal‐Tackett, 2007)nous apprennent que n’importe quel facteur de stress psychologique et / ou physique peut déclencher une réponse inflammatoire de laquelle découlera un état dépressif. Winnicott nous apprend d’ailleurs que les douleurs de l’allaitement plongent la jeune mère dans un état qui serait considéré comme pathologique s’il se produisait hors du contexte du post-partum.                                                                                                                    La consultante en lactation est donc là pour identifier avec précision la cause des douleurs. Elle aide ces femmes à ne pas se décourager dans ce projet qui est un véritable apprentissage.

Comment se déroule une consultation ?

Durant la consultation la professionnelle s’attèlera à rassembler le plus d’informations possibles sur la mère (antécédents médicaux, routines d’allaitement). Elle observera également les seins de la maman visuellement et manuellement, ainsi que les structures orales du bébé (forme du palais, mobilité de la langue) et elle évaluera la succion du bébé.

Un frein de langue trop court ou une préférence de rotation cervicale chez un bébé peut altérer la bonne coordination de la succion-respiration-déglutition et rendre la tétée inefficace voire douloureuse. Lorsqu’elle remarque un manque d’harmonie dans l’accrochage du bébé au sein, la consultante en lactation peut ainsi agir rapidement et faire le lien entre une mère et un ostéopathe.                                                                                       Elle veille donc à prendre soin de la manière dont la mère prend soin de son propre corps. Elle lui explique comment améliorer ses points d’appui ou utiliser un coussin d’allaitement si nécessaire. Si elle constate que la mère continue de souffrir malgré les différents ajustements posturaux proposés, elle lui suggérera de consulter un ostéopathe en particulier dans un contexte d’un accouchement traumatique ou de césarienne.

Carole Hervé, l’une d’entre elles, a accepté de répondre à nos questions.

Mme Hervé, votre profession est encore méconnue, est-ce un souci pour votre pratique ?
Notre profession est peu connue en effet. Les mères ont néanmoins cette belle capacité à aller rechercher des ressources lorsqu’elles ne trouvent pas de réponses complètes à leurs questions. Nous sommes à peine 600 en France et chacune d’entre nous œuvre au quotidien pour apporter un service d’une qualité rigoureuse et bienveillante qui valorise notre profession et la fait connaître chaque jour un peu plus. Les mères se communiquent notre nom entre autres bonnes adresses.                                                                                    Nous avons à nos côtés plusieurs associations (l’AFCL, la CoFAM) qui mettent les bouchées doubles pour faire connaître notre profession qui est encore jeune. Nous nous imposons le respect d’un code déontologique strict. Nous devons en outre consacrer un nombre d’heures incompressible à notre formation continue. Nous espérons qu’à force d’attendre de nous-même d’être aussi exhaustive dans le service que nous apportons et dans notre approche clinique, nos efforts finiront par aboutir à une reconnaissance encore plus large. C’est un peu comme la profession d’ostéopathe au final !
Vous nous dites que vous avez à cœur de travailler en réseau, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Lors de mes consultations, j’interroge la maman pour savoir si son bébé est suivi par un pédiatre, si elle a une sage-femme de référence par exemple. Si je lui propose une stratégie qui vise à stimuler sa lactation, j’ai coutume de lui demander de faire vérifier la prise de poids auprès de son pédiatre ou de la PMI les jours qui suivent. Au besoin, je contacte le professionnel pour lui expliquer quel plan je propose et quel objectif je vise de cette manière. Cela nous permet de travailler en bonne intelligence pour la bonne santé de la mère et de son enfant.
Pour vous donner un autre exemple, il m’arrive souvent d’apprendre que l’accouchement a été long, difficile, que l’on a eu recours à des instruments pour extraire le bébé, je peux observer une difficulté à bien ouvrir la bouche ou une rétrognatie (décalage entre les mâchoires). Dans ce type de situation, je propose généralement que l’enfant soit vu par un thérapeute manuel habitué à s’occuper de nourrissons.
La consultante en lactation observera la maman pendant l’allaitement afin de lui montrer des techniques pertinentes pour améliorer l’allaitement et lui expliquer l’utilisation de certains matériels d’allaitement.                                                                                                     Elle pourra dans certains cas mettre en place un plan d’allaitement spécialisé en fonction de la mère. Sa démarche clinique est basée sur l’observation.

Vers un allaitement épanouissant

Le travail des consultantes en allaitement ne s’arrête pas là. Certaines animent aussi des ateliers de partage entre jeunes mères et contribuent à la formation forment des sages femmes, infirmières, pédiatres et ostéopathe sur l’allaitement.                                                 En tant qu’ostéopathe, travailler de concert avec une consultante permet un échange enrichissant et bénéfique pour la mère comme pour l’enfant.